Courtier en pomme de terre – Un chef d’orchestre

Courtier en pomme de terre – Un chef d’orchestre

La pomme de terre Française, Béatrice Rousselle

Rigueur, objectivité, confidentialité, réactivité, telles sont quelques-unes des qualités requises pour exercer le métier de courtier en pommes de terre. Silvana Paolozzi et Christelle Denis nous racontent leur fonction.


“Un courtier en pommes de terre, c’est comme un en crédits bancaires, on s’adresse à lui pour gagner du temps et obtenir les meilleurs prix en fonction de la marchandise requise”, résume Silvana Paolozzi, présidente de la société Jacques-Albert implantée à Paris et courtier depuis 1982. 

Son cœur de métier ? 

Mettre en relation un vendeur et un acheteur situés aussi bien en France qu’à l’étranger. 

“Nous disposons d’un réseau de clients acheteurs qui nous fait connaître ses besoins. Nous contactons alors nos vendeurs – producteurs, négociants ou coopératives – pour trouver la marchandise correspondante. Dans ce métier, la réactivité est de mise, c’est la loi de l’offre et la demande, explique Christelle Denis, gérante de la société D.Vegetables située à Donnery (45), courtier depuis 2014. Tel un chef d’orchestre, nous mettons la vente en musique, sans trop de fausses notes, je l’espère.”

Complémentaires des négociants

“Comme nous connaissons le marché et sommes en relation avec tout le monde, certains acheteurs préfèrent se décharger de cette tâche et travailler avec un courtier plutôt que d’appeler eux-mêmes tous les fournisseurs potentiels. Pour autant, nous sommes complémentaires des négociants, appuie Silvana Paolozzi. Nous travaillons avec eux, faisons partie de la même famille. Nous sommes un maillon de la filière et avons tous besoin les uns des autres.” Le métier de courtier remonte à l’époque du roi saint Louis et a donc sa place comme intermédiaire de commerce depuis plusieurs siècles. Le courtier n’est pas un agent commercial, il est indépendant et peut travailler avec tous les acteurs. Il n’a pas de stock à vendre, ni de variété à promouvoir. Il ne facture pas de marchandise, mais prend une commission de courtage définie à l’avance sur le tonnage vendu. Il joue également un rôle de conseil. Il est le reflet du marché. Il est le témoin impartial d’un accord contractuel. Voilà pour les grandes lignes.

 

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Un large éventail de fonctions

Dans le détail, “nous nous assurons, avec le vendeur, de la solvabilité de tous nouveaux clients, sans garantir évidemment le paiement. Passer par un courtier sécurise souvent un producteur. Nous lui apportons la connaissance du client. Rien à voir avec un accord conclu en bout de champ avec un démarcheur inconnu !”, note Silvana Paolozzi. Certains effectuent également l’agréage de certains lots, comme Christelle Denis, “surtout en début de campagne”. Pour Silvana Paolozzi au contraire, “ce n’est pas notre métier, mais celui du producteur ou du négociant. Je me concentre sur la connaissance du marché, le suivi de l’affaire”. Ainsi, la fonction, selon l’interlocuteur, recèle plusieurs facettes. La zone géographique d’influence des courtiers français s’est élargie avec le développement de l’Union européenne. “La France étant le premier exportateur européen de pommes de terre de consommation, les courtiers établissent essentiellement des relations entre leurs vendeurs français et des acheteurs européens.

Ces derniers sont principalement situés en Espagne, Italie, Portugal, Grande-Bretagne, Allemagne et depuis quelques années déjà, pays de l’Est”, souligne Silvana Paolozzi. Elle-même s’est davantage spécialisée dans la vente de pommes de terre non lavées en big-bags à destination de l’Italie et de l’Espagne notamment, alors que Christelle Denis négocie plus de chairs fermes conditionnées vers les pays du Nord. Une fois les parties d’accord sur les termes de la transaction, le courtier établit un contrat où toutes les conditions sont reprises, dans le respect des règles Rucip (Règles et usages du commerce intereuropéen des pommes de terre) dont il maîtrise toutes les subtilités. Si besoin, le courtier se charge aussi d’organiser le transport.

“Nous ne sommes pas le donneur d’ordres, mais nous aidons au maximum notre client”, appuie Silvana Paolozzi. Le contrat contient aussi, en règle générale, une clause compromissoire qui prévoit les recours en cas de litiges, ainsi que la commission d’arbitrage Rucip. “Car, en cas de litige, le courtier a également pour mission de trouver rapidement une solution et de proposer, avec diplomatie, un accord entre les parties prenantes afin d’éviter des mesures d’arbitrage ou un procès”, explique Christelle Denis. “Nous sommes aussi un peu psychologue, renchérit avec humour Silvana Paolozzi. Et de fait, nous entretenons de bonnes relations avec tout le monde.”

Gage de professionnalisme

Depuis plus de vingt-cinq ans, certains courtiers se sont regroupés au sein du SNCPT, Syndicat national des courtiers en pommes de terre et oignons, gage de professionnalisme. Actuellement au nombre de huit, ils s’engagent à respecter le code de déontologie des courtiers : objectivité, neutralité, moralité commerciale, confirmation d’une affaire réalisée, secret professionnel interdisant de divulguer le nom des contreparties, absence d’intérêt personnel dans tout contrat, notamment. S’ils restent concurrents entre eux, les courtiers se respectent. “La concurrence ne doit exister que sur la qualité de l’information, la précision de la rédaction des contrats et le suivi des affaires. Nous nous interdisons évidemment de tenir des propos désobligeants à l’égard de nos confrères”, souligne Silvana Paolozzi. Le b.a.-ba du commerce et du savoir-vivre, normalement…

Le SNCPT est par ailleurs membre de la FFSCM, Fédération française des syndicats de courtiers de marchandises. Pour la plupart arbitres et experts Rucip, sept courtiers du SNCPT sont également assermentés auprès de cours d’appel par le CNCMA, le Conseil national des courtiers de marchandises assermentés. L’assermentation s’obtient après le passage de trois épreuves – écrite, orale et technique – devant ses pairs. Christelle Denis, la plus jeune assermentée du SNCPT l’a obtenue il y a quatre ans, Silvana Paolozzi en 2010. À ce titre, elles sont habilitées à délivrer des attestations de prix à un instant T, des cotations officielles de marchandises, ou encore des expertises. Ayant prêté serment, elles peuvent être contactées par des avocats dans des dossiers épineux, pour évaluer un préjudice. Avec l’entrée en vigueur de la loi Egalim, le service des courtiers assermentés a été sollicité pour l’établissement d’un indicateur de prix économique.

Courtiers et engagements

Les courtiers peuvent adhérer au titre de leur société au SNCPT, Syndicat national des courtiers en pommes de terre et oignons, et à titre individuel à Fedepom et/ou au CNCMA, le Conseil national des courtiers de marchandises assermentés (seulement pour les courtiers ayant passé l’examen auprès du CNCMA).

Le SNCPT est présent au conseil d’administration du CNIPT, au sein du collège Commerce. Il est également membre de la FFSCM, la Fédération française des syndicats de courtiers de marchandises.

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